Travailler le corps humain était pour moi une nécessité et j’aime cette phrase de Goethe : « Le vrai sujet d’étude pour l’humanité, c’est l’homme ».
Sculpteur autodidacte, je me suis construit en étudiant le travail de mes aînés, principalement Michel Ange et Brancusi. Houdon et Carpeaux pour le portrait.
J’ai commencé à sculpter au milieu des années 70, en plein essor de l’art dit contemporain et en plein débat entre art abstrait et art figuratif. J’adore l’abstraction, en particulier l’abstraction géométrique de Robert Jacobsen. Dès le début je me suis reconnu comme un sculpteur moderne, imprégné de la statuaire classique et nourri des réflexions diverses et fortes de mon époque. J’avais réfléchi sur les Ready Made de Marcel Duchamp et je connaissais l’art conceptuel où le discours recouvre l’oeuvre. L’art contemporain pour moi n’était qu’un courant et j’avais la conviction qu’il n’existe pas de progrès en art mais des recherches interférant les unes avec les autres.
Mon projet était d’incarner dans la matière la vie de l’homme dans sa diversité et sa complexité. Pour parvenir à sculpter cette abstraction, il me fallait partir du corps tel que chacun le connaît, sans le schématiser afin de ne pas distraire l’attention du spectateur.
Ma référence était le David de Michel Ange. La tension entre action et pensée y est inscrite dans le marbre à l’aide des lignes de force. Partant d’une anecdote tirée de la mythologie, Michel Ange sculpte une réflexion sur la condition humaine.
Comme le dit l’écrivain Kamel Daoud à propos de son oeuvre, je suis devenu sculpteur, « pas seulement parce que je voulais réussir, mais aussi parce que j’avais la terreur de vivre une vie sans sens ».